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Les acteurs de la misère animale

            Au début de l'hiver, la période de Noël approchant à grand pas, j'ai rédigé une lettre ouverte, sur Facebook, au sujet du clivage animaux d'élevage /vs/ animaux pris en association, dont sont parfois victimes les personnes ayant fait le choix d'adopter leur animal dans un bon élevage. Le débat avait été lancé par une personne qui prétendait que « le pire ce sont les gens qui adoptent en élevage alors qu'il y en a plein [des chiens] qui attendent leur tour en SPA. » Sur le coup, j'ai publié cette lettre ouverte passionnée, trois mois plus tard je reprends le clavier afin d'étayer mon propos.

Selon nous : Qu'est ce qu'un bon élevage ?

 

            Il doit y avoir autant de notions de ce qu'un bon élevage doit être qu'il y a de personnes connaissant le travail. Je pense même que tout éleveur pense que son élevage est un bon élevage, car il répond à ses propre critères de sélection, il respecte son éthique personnelle et s'y tient en général. Pour certains le bon éleveur est celui qui rafle tous les titres en exposition. Pour d'autres c'est celui dont l'affixe apparaît le plus souvent lorsque l'on parle d'une race. Pour d'autres encore c'est celui qui aura produit le plus de chiens champions (d'Agility, de Ring sportif, d'Obéissance...). Nous ne prétendons donc pas vous parler du bon éleveur universel, mais bien de ce qui, de notre point de vue, définit un bon éleveur.

 

            Le bon éleveur veut avant tout le bien être de ses animaux, ses reproducteurs sont aussi ses chiens de compagnie, ils vivent à ses côtés, entrent dans la maison et partagent son quotidien. Leurs chiots en feront de même. Il les nourrit avec une alimentation de qualité, adaptée à leurs besoins biologiques, et leur apporte le temps d'activité quotidien dont ils ont besoin. Il se préoccupe autant du bien être de ses propres chiens que de celui du devenir de leur progéniture. Ses chiots doivent être heureux, et ce, tout au long de leur vie.

 

            Pour s'en assurer, le bon éleveur met en place un suivi à vie de ses petits. Il a régulièrement des nouvelles, ou si on ne lui en donne pas, il vient en demander. Pour cela, le bon éleveur connait chacun de ses chiots (ou chatons), il sait qui sont leurs mères et leurs pères, connait leurs caractères et leurs problèmes de santé s'il y en a. Le bon éleveur s'est assuré que la famille chez laquelle il plaçait son bébé était la plus appropriée à son caractère. Parallèlement, il leur a proposé suffisamment de socialisation et d'expériences positives pour qu'ils puissent appréhender la vie avec plus de sérénité.

            Le bon éleveur accorde de son temps à ses potentiels adoptants. Il nourrit une véritable passion, et son plaisir est de la partager avec ceux qui lui permettent de la vivre : les gens qui lui prendront peut être un chiot. Il saura répondre aux questions et en poser d'autres, afin d'amener la personne à savoir exactement ce qu'elle recherche chez son chien, et la guider vers celui qui lui correspondra le plus. Le bon éleveur est également capable de reconnaître lorsque le chiot des rêves de son interlocuteur ne correspond pas à ceux qu'il a fait naître, et saura le diriger vers un confrère qui travaille plus le type de chien recherché. 

            Le bon éleveur se préoccupe de la santé des chiens qu'il fait naître, le suivi qu'il met en place lui permet d'avoir des retours sur les problèmes de santé potentiellement héréditaires qu'il n'avait pas vu venir et d'éviter de reproduire les mariages à risque, ou au contraire, de reproduire des mariages ayant donné des chiens en excellente santé avec un très bon caractère. Pour éviter tout risque de problèmes de santé courants, le bon éleveur a fait tester ses reproducteurs sur toutes les maladies courantes connues dans la race. 

            Le but du bon éleveur n'est pas seulement de faire naître des chiots, il est de le faire en préservant ou en améliorant la race avec laquelle il travaille. Pour cela, outre les tests de santé, il s'assure de marier des chiens suffisamment génétiquement éloignés pour éviter les fragilités liées à la consanguinité. Il n'utilise que des reproducteurs mentalement équilibrés, en bonne santé, conformes au standard de la race et confirmés par un juge.

 

            Beaucoup d'autres qualités du bon éleveur n'ont pas été énumérées ici, nous prendrons peut être le temps de le faire dans un futur article, mais celles déjà citées sont suffisantes pour affirmer que les bons éleveurs ne sont pas responsables de la surpopulation animale en refuge.

 

 

Les acteurs de l'abandon

et producteurs de misère animale

 

            Des yeux vitreux qui se dissimulent, éplorés, derrière les grillages, des truffes qui s’immiscent entre les barreaux, des hurlements de détresse rendant la douleur émotionnelle de ces résidents palpables... voilà le lot quotidien des bénévoles et salariés travaillant en refuge. Toutes les personnes ayant passé plusieurs heures dans ces lieux témoignent de la même misère animale qui y règne... Des coeurs brisés, des animaux détruits souvent à l'aube de leur premier anniversaire ou laissés là au crépuscule de leur vie... après dix années de fidélité, bien mal récompensée... 

            Comment, devant un tel spectacle d'horreur, devant les regards perdus de ces innocents derrière les barreaux, peut-on rester calmes, et ne pas en vouloir aux monstres cruels qui les y ont laissés ? Je ne mentirai pas, j'en suis incapable. Je suis révoltée de voir tant de souffrance produite par négligence, par ignorance, par égoïsme et par bêtise... Mais il faut reconnaître également que celui qui abandonne n'est que le dernier maillon d'une chaîne de causalité dont il n'est pas le seul responsable, et que souvent la première cause de l'abandon c'est l'ignorance...

 

 

Les animaleries

et leurs Salons du Chiot

 

            "Oooh qu'ils sont mignons ! Regarde, maman ! On en prend un ?"

C'est vrai qu'ils sont craquants avec leurs bouilles de peluches à faire la une des calendriers de la poste. Et il y en a pour tous les goûts ! Des foncés, des clairs, des gros, des petits, des molosses, des bergers, des terriers, des retrievers... On en a de partout et on ne sait plus où donner de la tête ! Bienvenue dans le supermarché des chiens : le lieu où vous entrez sans avoir une idée précise de ce que vous venez chercher et duquel vous repartez avec "le chiot de vos rêves" comme ils disent chez M6... C'est le deuxième maillon de la chaîne de causalité à l'abandon. Quand on a de la chance, l'éleveur est même là pour vous présenter son produit. Je n'invente pas : 

 

            "Un bon coup de lustrage pour un poil bien soyeux, pour séduire les clients. C'est aussi pour faire craquer plus sur nos bébés que sur ceux des autres. On est avant tout là bas pour vendre !"

Valérie, éleveuse toutes races, 66 minutes

 

            Lorsque le champ lexical du merchandising vient se frotter aux jolis minois d'adorables bébés chiens, cela donne à la sauce une saveur fécale toute particulière... le but de ces salons et de ces grandes surfaces canines est clair : il faut vendre le produit. On ne parle pas de bien être animal ici, on refuse rarement la vente, ce serait dommage de passer à côté de tout cet argent ! Le client entre, il vient parfois juste pour voir, et, attendri par les petite boules de poil qu'on lui pose dans les bras, sort le portefeuille et repart avec un chiot. Un achat coup de tête, comme on l'aurait fait avec le tout dernier modèle d'écran plat ou de téléphone portable, sauf que la nouvelle cafetière n'a pas besoin d'éducation... elle ne renversera pas du café toute seule tous les matins si on oublie de la sortir... elle n'a pas besoin d'aller rencontrer d'autres cafetières... elle n'aura pas envie de découvrir le monde avec sa gueule, votre nouvelle cafetière high-tech ! On peut la laisser au garage où elle prendra la poussière, le bébé chien, lui, il ne restera pas sagement des années dans son carton d'emballage, et c'est comme cela qu'il se retrouve, trop souvent, derrière les barreaux d'un refuge surpeuplé... 

 

            L'adoptant a eu le tort de se laisser embobiner, mais c'est tout ce système qui est, en globalité, responsable. On produit aujourd'hui du chien comme on produit du poulet, du porc, des légumes : de manière industrielle, en très grand nombre (c'est mieux, et ça rapporte plus !) et le moins cher possible. La rentabilité est le maître mot... et c'est comme cela que l'on arrive à notre troisième maillon de la chaîne de causalité.

 

 

Les marchands de chiens

et leurs usines de production intensive canine

 

            Des hangars de plusieurs dizaines de mètres de longs, des granges remises aux normes à la va-vite, des chenils bétonnés, voici l'environnement merveilleux des chiots d'animalerie durant les cinq ou six premières semaines de leurs vies, age auquel, en général, ils sont retirés de leur mère pour partir se faire exposer derrière de belles vitrines décorées. Quand ils ont "de la chance" ils viennent de France... L'odeur y est forte, lorsque la paille ou le journal est changé quotidiennement, c'est que l'on est tombé sur une perle ! Bienvenue dans l'envers du décor de ces adorables lieux de vente. Comme le joli paquet d’œufs vous présentant les cocottes picorant l'herbe pour mieux vous cacher les cages et la fiente dans lesquelles elles survivent, l'animalerie et le salon du chiot vous montreront toujours des animaux propres, sur une fausse paille en papier nettoyée régulièrement. Le petit animal sent bon, il a été baigné à grande eau et savonné à foison, puis passé dans une machine sèche-chien, avant de quitter l'élevage.

            Ce qu'il aura appris de ses premières semaines ? La protection de ressource, peut être, guère plus. La première fois qu'il voit la lumière du jour, c'est lorsqu'il est séparé de sa mère. S'il a un bon terrain, il ne sera pas trop craintif, pas trop agressif, pas trop destructeur... Et sa mère ? Aux prochaines chaleurs, elle sera de nouveau saillie. Elle a commencé à se reproduire très jeune, et donnera tout d'elle tous les six mois. Parfois, elle est capable de tenir sur ses pattes, et se déplace lentement, raidie par la fatigue, les mamelles traînant parfois sur le sol tant elles n'ont pas le temps de se rétablir. 

            Ce marchand de chien (que l'on n'appellera décemment pas éleveur) cumulera les animaleries, se fera connaître sur les sites de petites annonces, il lui sera bien souvent difficile de vous présenter les deux parents, de vous faire visiter les pièces de vie des chiots, parce qu'il n'en a pas. Le contexte du salon du chiot est donc idéal pour lui, pas besoin de faire visiter, pas le temps de répondre aux questions, et possibilité de mettre les adoptants en concurrence ! Le rêve pour vendre plus facilement ! 

            Évidemment la plupart de ces chiots seront malades. Souffrant de toux de chenil ou tout simplement des maladies héréditaires que le producteur n'aura pas pris le temps de tester génétiquement, souffrant peut être de sa propre consanguinité parce qu'il n'est pas rare que leurs mères soient mariées à leur frère, à leur père (cela coûte moins cher que de prendre deux reproducteurs dans deux élevages différents...). Il est très souvent impossible de se retourner contre l'éleveur, vous avez acheté, vous avez fait votre choix. A votre charge les frais vétérinaires, à votre charge le comportementaliste, mais surtout à votre charge la tristesse de voir votre chien bien-aimé souffrir, et vous rendre malade de réaliser que si vous aviez su, vous ne l'auriez pas pris là...

 

Les autres marchands de chiens

Ces particuliers qui vous gardent

un chiot de leur chienne...

 

            Évidemment que notre chien est le plus beau ! Et on ne laissera personne en dire le contraire, qu'il soit de race ou bon corniaud, on l'aime notre toutou d'amour, et on aimerait le garder encore des années ! C'est souvent ce qui motive les gens à laisser leur chienne avoir des petits avec le chien du coin, ou avec l'autre chien de la famille. L'autre raison peut simplement être de se faire un petit peu d'argent : on a une belle croisée berger allemand, on la marie avec le croisé husky du copain et paf ! Ça fait des Chocapics ! On publie une jolie annonce en notant bien dessus que l'on vend des chiots "type chien-loup", on vous promet des pedigrees que vous ne recevrez jamais et on fait le mort dès que l'argent est versé... Enfin il y a simplement la négligence, la chienne se promenait toute seule dans le village, elle a croisé la route d'un chien, ils ont découvert les joies de la vie et se sont séparés comme ils s'étaient rencontrés, madame attendant une portée de 8 à 12 chiots, parfois de pères différents. Les chiots sont parfois "donnés contre bons soins" ou contre remboursement des frais engagés pour la portée. 

            C'est la façon de faire la plus naturelle et l'inconscient collectif dit que ce sont ces chiots là qui sont en meilleure santé, parce que ce sont des chiens croisés. Cependant, les chiots sont issus de parents non testés et on sait que la myélopathie dégénérative touche les races les plus communes (labrador, bergers, bouviers, boxer, caniches...), il semblerait également que les deux tiers des chiens opérés pour de graves dysplasies de la hanche sont des chiens croisés. Problèmes de peau, de thyroïde, malformations cardiaques, épilepsie sont autant de maladies qui touchent finalement plus les chiens issus de fermes élevages (comme décrites dans le paragraphe précédent) et de croisements que les chiens issus d'élevages sérieux et familiaux. 

             Souvent ces chiots nés chez des particuliers sont cédés trop tôt, ils n'ont pas été socialisés correctement, les gens ignorant bien souvent qu'il faut le faire, parfois ils ne sont même pas identifiés ou vaccinés, ni même vermifugés. Les adoptants ignorent également que pour avoir le droit de céder un chiot "type" ou "croisé", le particulier doit être en pocession d'un CCAD : Certificat de Capacité à l'élevage d'Animaux Domestiques. Parfois tout a été fait ! C'est de la loterie, et l'adoptant averti devra se renseigner sur beaucoup de points concernant les lignées et le naisseur avant de sauter le pas et d'adopter son petit chien croisé.

 

Hoddy et Junior, beagles
Hoddy et Junior, beagles

            On l'ignore trop souvent mais les chiens ont été, à l'origine, sélectionnés sur des patrons-moteurs, c'est à dire des comportements génétiquement déterminés, propres à leur race. Chez le berger, les patrons-moteurs de la prédation ont été en partie sélectionnés, quand ceux de la fin de la chasse ont été atrophiés, on retrouvera donc chez eux le pistage, la fixation oculaire, la poursuite, le rabattage et parfois la morsure, les patrons moteurs de la chasse s'arrêtent là pour eux. En revanche, les chiens de chasse comme les primitifs (les huskies, les spitz), les chiens courants, les lévriers ou les terriers (le jack russel ou le fox terrier par exemple) ont quant à eux été sélectionnés pour déclencher toute la chaîne de patrons moteurs de la chasse jusqu'à la mise à mort (morsure pour tuer, secouement d'étourdissement) et parfois même la consommation de la proie (nordiques, ratiers). De même, les caractéristiques inhérentes à la race (comme l'hyperactivité chez les malinois de travail ou les borders collie) ne sont pas considérés comme des trouble du comportement parce qu'ils trouvent un intérêt dans le travail, mais deviennent problématiques lorsque le chien est destiné à une vie de famille. Certains mariages qui sont parfois effectués de manière volontaire ou accidentelle produisent donc des chiots présentant des caractères parfaits (mélange de deux lignées de chiens de compagnie, doux, calmes et proches de l'homme) mais hélas trop souvent, les chiots présentent les caractéristiques incompatibles de deux lignées : mariez l'hyperactivité du border collie et la poursuite et mise à mort du chien courant, par exemple, et vous obtenez un chien parfait pour la chasse, ou cauchemardesque pour la compagnie : il partira sur du gibier en balade, ira tuer les poules de votre voisin (et y retournera dès qu'il pourra) si ses besoins ne sont pas exprimés par une activité encadrée. 

Éliot, croisé Elkhound, saisi chez son naisseur puis adopté dans un refuge - Nathalie Dugas
Éliot, croisé Elkhound, saisi chez son naisseur puis adopté dans un refuge - Nathalie Dugas

            Ce paragraphe n'a pas pour but de dénigrer les chiens croisés. La plupart de ces chiens sont les meilleurs chiens du monde ! Ils sont attachants, loyaux, et sont pleins de qualités qui ne demandent qu'à être exploitées. Cependant, les qualités d'un chien pour son humain ne sont pas celles attendues par une autre personne, et tout l'intérêt du naisseur est d'avoir conscience des caractéristiques des deux parents afin que les qualités de leurs chiots ne deviennent pas des défauts éliminatoires pour leurs adoptants. 

            C'est ce qui pourrait être le plus reproché aux particuliers qui font naître une portée pour l'extraordinaire physique qui en sortira sans tenir compte du caractère que cela donnera ni de ce que les adoptants qui viendront chercher leurs chiots attendent vraiment d'un chien. Si le comportement du chiot de correspond pas aux attentes du maîtres, au mieux il sera emmené chez un comportementaliste qui apprendra au maître à respecter et accepter son chien, au pire il finira, comme beaucoup d'autres, dans un refuge...

 

            On en revient toujours là : les adoptants sont les premiers responsables de la misère carcérale animale. Comme on le dit souvent, c'est la demande qui fait l'offre. Tant qu'il y aura des clients à faire leurs courses sur les sites de petites annonces, dans les salons du chiot et les animaleries, il y aura des animaux en refuge... 

© IsaPhoto
© IsaPhoto

            Pour des raisons économiques, par méconnaissance des risques, du comportement canin, de ce qu'avoir un chien implique, ou en toute connaissance de cause, les gens font l'erreur ou le choix de nourrir ces marchés-là. Puis, se retrouvant débordés par les comportements naturels et prévisibles de leur chiot, finissent par baisser les bras, prendre les dernières bribes de courage qui leur reste pour assumer devant un refuge qu'ils ont échoué. Ou bien, lâches jusqu'au bout, iront en forêt ou sur une aire d'autoroute, abandonner Médor en espérant qu'une âme charitable daignera leur donner la chance qu'ils n'ont pas eu la patience de lui donner... L'abandon est alors peut être la meilleure chose qui puisse arriver à ce chien indésirable, de bien sordides histoires que je ne vous conterai pas ici relatent bien toute l'horreur que l'humain est capable de mettre en pratique lorsqu'il se sent dépassé par son animal de compagnie... 

            Beaucoup de personnes très bien intentionnées font également le choix d'adopter ces chiots là, malheureux, qui font pitié avec les conditions de vie de lesquelles ils les arrachent : ils se disent, en toute bonne foi, qu'il vaut mieux que ce petit chiot tombe sur eux plutôt que de rester derrière ces grilles d'animalerie ou ces vitres impeccables... ils n'ont pas conscience, en composant leur code de carte bancaire à la caisse, que prendre un chiot pour le sauver c'est faire marcher ce système. Qu'un pourcentage de cet argent nourrira la ferme à chiens qui a produit le chiot, qu'un autre va à la multinationale qui a bien flairé le filon et le reste aux intermédiaires, transporteurs et compagnie... Que fera le marchand de chien de cet argent ? Il achètera d'autres reproducteurs, investira peut être dans une extension de son hangar... Que fera le magasin ? Il achètera de nouveaux chiots au marchand de chien... 

            D'accord, mais pour le particulier ? Qu'apprendra-t-il s'il réussit à gagner de l'argent sur sa portée ? Si tous ses chiots croisés se vendent comme des petits pains ? Est-ce qu'il en restera là où il est ? Ou recommencera-t-il l'opération pour se faire un peu plus d'argent ? Je pense que vous avez la réponse... 

 

La lourde et noble tâche des refuges

 

            "Il détruisait la maison", "Il hurlait quand on était partis", "il attaquait nos chats", "il faisait son terrier dans le canapé", "il nous grognait dessus"... tant de bonnes raisons de laisser son coup-de-coeur/coup-de-tête derrière les grilles froides du refuge. Ici commence l'enfer du chien, ici démarre le chronomètre du traumatisme : chaque jour de plus passé par le chien derrière les barreaux est un peu plus traumatisant que le précédent : concurrence, protection de ressource, froid, stress, souffrance, ignorance, espoir, déception, frustration, manque d'exercice... Les bénévoles font ce qu'ils peuvent, ils ne sont pas assez nombreux. Malgré tout, ils essayent de sortir les chiens tous les jours, de les faire jouer, ils leur apportent un peu d'amour, un peu de douceur, de réconfort. Des comportementalistes interviennent également dans les refuges afin de travailler et rééduquer les chiens, leur apprendre les bases de la vie de famille, les classiques "assis" "couché" "attends" ainsi que la très importante marche en laisse etc... enfin, leur travail consiste à réapprendre (ou apprendre) au chien à faire confiance. Après la vie qu'il a vécue, l'abandon, l'isolement, la carence environnementale, le chien peut se montrer inquiet ou agressif. Afin de pouvoir être adopté et ne jamais revenir en refuge, le chien doit souvent avoir passé de longues semaines de rééducation ou d'éducation, que ni l'éleveur, ni le précédent maître n'auront pris le temps de lui fournir... 

            C'est une course contre la montre qui s'engage entre le chien et sa chance, plus il passera de temps en refuge, plus il perdra ses acquis de propreté, plus sa socialisation intra-spécifique (avec ses congénères) s'effritera, plus il apprendra les conflits de ressource, plus il aura besoin de son espace, plus il connaîtra la meute, ses avantages et ses nombreux inconvénients. 

            Cela peut vous paraître contradictoire, mais j'ai envie de vous conseiller, si vous vous en sentez les épaules, de prendre votre loulou en refuge. Tout le monde n'est pas capable de sauter le pas, mais si vous connaissez bien le chien, son comportement, que vous doutez juste du physique de votre loulou, sautez le pas. Un beau chien n'est pas forcément un bon chien, et vous trouverez autant d'amour et de bonheur dans un chien de refuge ! De plus sachez que lorsque vous prenez en refuge, vous sauvez vraiment une vie, vous aidez le refuge à nourrir et aider d'autres loulous, et ces pauvres chiens en ont bien besoin. Mais si le traumatisme du refuge pour le chien vous fait encore peur, il existe une autre option.


            Moins connues mais tout aussi admirables dans leur démarche, les associations de protection animale travaillent activement au sauvetage des animaux abandonnés, en plaçant les chiens non pas en chenil mais dans des familles d'accueil, où l'animal sera rééduqué avant de pouvoir vivre une nouvelle vie dans sa famille-pour-la-vie. En famille, le chien ne connaîtra pas les traumatismes du chenil, il sera sorti quotidiennement, vivra dans la maison, aura parfois accès à un jardin, et sera traité comme les autres chiens de la famille. C'est un gros avantage pour les adoptants qui auront alors face à eux un chien naturel, qui ne sera pas en immersion dans un environnement stressant et bruyant. Ce type d'associations, bien que moins représentées que les chenils SPA, sont, selon nous, la meilleure chance des chiens abandonnés de retrouver une famille et d'y rester jusqu'à la fin. Nous vous en listons quelques unes à la fin de cet article !

 

Pourquoi les animaux de bons élevage

ne se retrouveront pas en SPA ?

 

            L'affirmation semble bien facile à faire, il est vrai, on n'est jamais à l'abris d'un mauvais placement, d'un maître qui décède, d'un accident de la vie qui force la personne à se séparer de son chien, alors pourquoi les chiens de bons élevages ne finissent pas leurs jours en refuge ?

            Nous l'avons abordé dans le premier paragraphe, le bon éleveur propose un suivi à vie de ses chiots, il en prend des nouvelles régulièrement. Si la personne est dépassée, si elle vit un grand changement dans sa vie, avec ce suivi l'éleveur l'apprendra et saura lui conseiller des solutions, ou s'il n'y en a pas, lui proposer de récupérer le chien. Celui ci passera également par une phase de rééducation avant d'être replacé, mais ce dans le contexte rassurant de sa meute d'origine, auprès de sa mère et des autres chiens qui l'ont élevé. Si la personne ne donne plus de nouvelles, l'éleveur inquiet fera probablement les démarches nécessaires  pour en avoir malgré tout, si son chiot s'est retrouvé en refuge il n'hésitera pas à se déplacer pour aller le récupérer et le sortir de son chenil. 

            Le bon éleveur n'est pas infaillible, ses connaissances et son éthique le guident dans ses démarches, mais il n'est jamais à l'abris d'une personne malhonnête ou d'un mauvais placement. Le bon éleveur assume ses erreurs, il en prend conscience, il les accepte et il les corrige.

 

            Lorsque l'on prend conscience que l'on n'a pas moyen ni besoin d'être parfait, on peut commencer à faire de son mieux pour être meilleur et faire les choses le mieux possible.

 

 

 

 

Sources :

Joël Dehasse

Tout sur la psychologie du chien, Editions Odile Jacob, 2009.

Mon chien est heureux, Editions Odile Jacob, 2009


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Commentaires: 3
  • #1

    Christine (mercredi, 06 mars 2019 21:59)

    Bonsoir je viens de lire votre article et je l ai trouvé très intéressant. Je suis d accord avec vous il ne faut pas mettre tous les éleveurs dans un même panier. Le vrai éleveur aime ses chiens et les respecte. J ai eu moi-même plusieurs chiens mais j avoue jamais acheté chez un éleveur. Je crois que j ai eu 3 cas de figure différents le 1er une petite caniche m à été donner par une collègue de travail mon 2ème caniche acheté en animalerie (je pense par inconscience et parce que tout le monde à la maison était triste du décès de mon 1er chien) le 3ème une croisée Roth /boxer m a été donné par une amie qui ne pouvait pas la garder c était un chiot et mon 4ème et dernier chie' je l ai adopter dans un refuge est une petite chienne croisée lhassa/Jack Russell (chiot de 3mois).j ai eu beaucoup de chance avec tous ses chiens c était de vrais amours malgré quelques dégâts occasionnées par mon Roth (il m à fallu pas de patience) mais à part ça c était un amour. Et ma dernière m'a petite lhassa que j ai encore et qui a 5 ans est adorable. Je ne regrette pas ils m ont tous apportés de la joie.

  • #2

    Olivia auteur passionnée d'animaux (samedi, 09 mars 2019 20:41)

    J'ai lu l'intégralité de vos articles. Parfaitement analysé. Malheureusement, tout reprendre à zéro...l'éducation des maîtres... l'animal objet...le business des animaux... les chiens faire-valoir...les souffres douleurs...et tout ce système mis en place pour gangrèner les plus belles intentions, font, que l'humain, définitivement, est relégué, à mes yeux, au rang d ignorant...de profiteur sans état d'âme. L'animal à mes yeux est sacré et mérite tellement plus que cet humain.lâche.égoïste.vaniteux.et inconscient. Les marchands de chiens sont le résultat de cette demande du caprice du dernier mome gâté à outrance, qui jettera son chien jouet, comme il le ferait pour un jeu qui ne l'amuserait plus. Les commerçants d'animaux se servent aussi de la bêtise humaine, du manque de conscience de tout ces gens qui veulent un chien....pour faire peur....pour faire bien...pour calmer leurs angoisses...pour faire un cadeau sans réfléchir. Y a des gosses à la DDASS et puis y a des chiens dans les refuges et SPA... caprices...inconscience. incapacité à assumer des choix. C'est une honte.
    A 12 ans, je recrachais, en cachette le cheval qu'on estimait normal et bénéfique de me faire bouffer contre mon gré, alors que j'aimais mes amis chevaux...A 13 ans, j'ai refusé de manger de la viande. A 14 ans, une émission de Brigitte Bardot, à définitivement changé ma conception de la vie, de l'humain et...surtout du monde animal. A 15 ans, j'étais majeure émancipée et j'ai consacré ma vie, aux animaux. C'est grâce à Brigitte Bardot, que j'ai réalisé l'ampleur du massacre animal, perpétré par ces êtres qu on appelle humains. Je suis devenue végétarienne...et c'est un sacrifice car j'aime la côte de boeuf....le carré d'agneau et la cervelle...mais je me refuse de manger du cadavre. La maltraitance; je l'ai vue dans des abattoirs...j'ai réussi à faire changer de métier des bouchers...mais aussi, des routiers transportant des animaux entassés sans eau dans des camions et blessés agonisants, la patte arraché dans un abattoir breton. Je ne fais pas de manifestations. N'ai pas de partis politiques qui ne prêchent que pour leurs pouvoirs....je ne crois qu en moi et une longue expérience de vie et à mon instinct. Grâce à mon caractère et à mes convictions, j'ai changé la façon de voir et de penser de nombreuses personnes, jusqu'alors indifférentes à la cruauté engendrée par l'homme envers l'animal et j'ai sauvé de nombreux animaux.
    Belle comme B.B. disait t on...dans le spectacle et les milieux artistiques , dont je faisais partie... mais la ressemblance était dans l'âme, dans la perception de l'homme et ses dérives...et j'ai refusé ces milieux superficiels remplis de vanité et d'indifférence...pour me consacrer à l'écriture, l'écologie, la défense des animaux. De grands débats sur le net... des discours petits et vides... je parcours mais je ne laisse quasi jamais une réponse... mais là, j'avoue que l'article est cohérent et bien construit, tellement lucide et juste.
    On ressent des gens biens à travers des mots... mon fameux instinct, comme un animal.
    Je ferai une suite concrète sur l'adoption en refuges...ou l'achat en élevage.
    À +...

  • #3

    Boudon Fortier (lundi, 27 janvier 2020 10:25)

    Merci !

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